Groupes coopératifs

Groupes coopératifs
Le mouvement coopératif est apparu à la fin du XIXe siècle en réaction aux bouleversements sociaux et à la montée des inégalités, dans le but de réguler et de réconcilier l’économie avec la société. Depuis lors, il continue de représenter un ensemble de valeurs prenant appuis sur l’égalité, la solidarité, et la démocratie, qui s’incarne aujourd’hui à travers le concept d’économie sociale et solidaire.
En France, c’est la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, qui a inséré dans notre législation les canons du droit coopératif et a fixé les règles de fonctionnement et d’administration des sociétés coopératives, dans le respect des fondements théoriques érigés par les pères fondateurs du mouvement. En effet, le droit des sociétés coopératives est innervé par cinq principes directeurs :
- la double qualité : les coopérateurs sont à la fois les associés et les usagers de la société
- le principe « démocratique» : chaque associé dispose d’une voix au sein de la société.
- la « porte ouverte » : chacun est libre d’intégrer et de quitter la société à son gré.
- le principe « altruiste » : le capital appartient à la collectivité et est valorisé collectivement.
- la rémunération par « la ristourne » : les résultats sont partagés entre les associés coopérateurs au prorata des opérations traitées avec la société.
A travers ces principes, apparaît en filigrane l’idée selon laquelle la création de la richesse est dans la nature de l’homme mais à la condition que cette richesse serve à répondre à un besoin, et soit partagée équitablement entre ceux qui ont concouru à sa réalisation.
Les sociétés coopératives continuent de nos jours à occuper une place importante dans notre économie (agriculture, banque etc.), et ces entreprises font preuve sur le marché d'une efficience au moins aussi grande que leurs concurrentes dans leurs opérations et dans la façon dont elles gèrent leur capital. Cependant, confronté à la concurrence des entreprises capitalistes classiques, et à l’internationalisation des marchés, le monde coopératif, connaît depuis quelques années un important mouvement de restructuration et de regroupement, ayant conduit à la construction de « groupes coopératifs ».
Axes de recherche
Le développement des groupes coopératifs a de plus en plus tendance à transformer le mode de gestion des entreprises coopératives, leur faisant de la sorte perdre ce qui faisait leur spécificité. De cette évolution et de la coexistence en leur sein d’un secteur mutualiste traditionnel et d’un secteur capitaliste découlent dans les groupes coopératifs une tension juridique et dialectique qui conduit le secteur coopératif à réaffirmer ses fins et à adapter ses moyens.
- La réaffirmation des fins : il s’agit de demeurer une entreprise responsable, c'est-à-dire sous tendue par des valeurs humaines et non marchandes. C’est ainsi affirmer qu’il n’est de richesses que d’homme tout en travaillant tant pour l’avenir que pour le présent. Entreprise pérenne aussi qui se préoccupe de son développement, comme de son environnement et peut ainsi constituer un investissement d’avenir lorsqu’elle vise la durée et l’utilité. C’est alors la notion de développement durable qui s’inscrit dans le cadre de cette réflexion. L’enjeu pour les coopératives étant de satisfaire les besoins des associés coopérateurs, sans pour autant retirer aux générations futures la possibilité de satisfaire les leurs en conciliant la poursuite de leur développement économique avec la préservation de l’environnement, des ressources naturelles, tout en assumant leur responsabilité sociale.
- L’adaptation des moyens : Si des antagonismes voire des conflits d’intérêt peuvent surgir de la nécessité de combiner éthique mutualiste et éthique capitaliste, le groupe se doit de les dépasser en les combinant et en les appliquant l’un à l’autre, ce qui oblige à une organisation particulièrement rigoureuse. Il s’agira donc de rechercher comment concilier le développement et l’expansion de ces groupes avec le respect des grands principes coopératifs : la croissance économique et les mutations qu’elle entraîne ne devant pas conduire à une banalisation des structures coopératives. Seule la mise en place de garde fous juridiques adaptés permettrait selon nous de se conformer autant que possible à l’esprit et à la lettre des textes.
Exposé de la problématique
A l’instar des groupes de sociétés de droit commun le législateur ne donne aucune définition des groupes coopératifs, et le régime juridique de ceux-ci est pour l’heure une construction exclusivement doctrinale. Pour ajouter à la difficulté, l’observation de la pratique révèle que la notion de groupe coopératif n’est pas unitaire, et recouvre une réalité juridique protéiforme et disparate.
Classiquement, la structuration des groupes de sociétés de droit commun repose principalement sur l’existence de liens de capitaux : on considère qu’il y a groupe de sociétés lorsque plusieurs sociétés, indépendantes au plan juridique, sont placées sous la domination et le contrôle d’une autre. Ainsi, bien qu’il existe différentes structures de groupes de sociétés, le schéma type du groupe est un ensemble de sociétés reliées par des liens financiers et dont les décisions sont prises par une société dominante appelée tête de groupe.
Or l’impossibilité de réfléchir en terme de contrôle capitalistique (principalement du fait du principe démocratique) au sein des sociétés coopératives bouleverse cet organigramme. En effet dans ce type de groupe, la tête de groupe n’est pas la société mère, car celle-ci appartient elle même aux différentes sociétés du groupe. Dans les groupes coopératifs, les sociétés de base sont les principaux actionnaires ou sociétaires de l’entité de tête, de la société « centrale ». En somme, le sens hiérarchique de la pyramide s’inverse : la base possède le niveau médian qui est propriétaire du faîte.
En outre, pour fonder des groupes coopératifs, les sociétés concernées doivent user des outils de droit commun : fusion, scission, apport partiel d’actifs, filialisation sous forme de société de droit commun etc. Or sur ce point notre droit se montre très lacunaire dans la mesure où aucun de ces mécanismes n’a été élaboré à destination des sociétés coopératives.
Pour l’heure, seules existent des unions de sociétés coopératives et des unions d’économie sociale, qui permettent de créer des groupes coopératifs lato sensu. Mais ces unions ne peuvent jouer qu’un rôle limité, dans la mesure où il s’agit de structures juridiques de forme coopérative destinées à faciliter l’activité des sociétés coopératives membres.
Par conséquent, face à cette carence de notre législation, il est nécessaire d’apporter l’étai d’une réflexion approfondie quant à l’éventuelle instauration d’un véritable statut de groupe coopératif, ou à tout le moins plaider pour l’élaboration de mécanismes juridiques conformes aux spécificités coopératives.
Démarche de recherche
La difficulté principale, mais aussi l’attrait majeur de notre sujet est sa primeur. En effet, la notion de « groupe coopératif » n’a pas encore été étudiée dans sa globalité d’un point de vue juridique. Les contributions théoriques existantes sur le sujet se cantonnent à certains domaines précis, particulièrement sensibles chez les praticiens, telles les opérations de fusion et de filialisation; ou se limitent à certaines familles coopératives tels les groupes coopératifs agricoles ou bancaires. C’est pourquoi, il nous semble impératif d’aborder le sujet dans sa globalité, condition sine qua none pour étudier les difficultés d’articulations entre les règles régissant les sociétés coopératives et celles permettant les regroupements et les restructurations.
Pour ce faire, dans le prolongement de la réflexion initiée lors de notre mémoire, il nous apparaît nécessaire d’user d’une démarche comparative et plus particulièrement de raisonner par analogie avec l’ensemble du droit des sociétés. Certes, il est encore trop tôt ici pour détailler l’intégralité des implications qu’induit cette comparaison mais il est d’ores et déjà assuré que la question des groupes coopératifs éclaire d’un jour nouveaux certains éléments du droit des sociétés. Par exemple, l’impossibilité de réfléchir en terme capitalistique entraîne une contractualisation plus grande encore qu’en droit commun des sociétés, notamment, avec le recours massifs aux techniques de la représentation, de la délégation de pouvoirs ou de fonctions. De même il ne saurait être question d’envisager la question des groupes sans aborder la question du droit fiscal, et sans un important volet comptable, domaine particulièrement sensible dans les groupes coopératifs depuis l’adoption des nouvelles normes comptables internationales.
Bibliographie sélective sur les groupes coopératifs
I – Traités et ouvrages généraux
- Cozian (M.), Viandier (A.) et Deboissy (Fl.), Droit des sociétés, 17ème éd., Litec, 2004
- Guyon (Y.), Droit des affaires – Tome 1 droit général et sociétés, 12ème éd., Economica, 2003
- Guyon (Y.), Traité des contrats - Les sociétés, LGDJ, 4ème éd., 2002
- Mestre (J.) et Velardocchio (D.), Sociétés commerciales, éd. Lamy, 2005
II - Ouvrages spéciaux et thèses
- Azarian (H.), Sociétés coopératives, association et groupement d’intérêt économique, thèse Paris V, 2000
- Champaud (C.), Le pouvoir de concentration de la société anonyme, éd. Sirey, 1962
- Coutant (L.), L’évolution du droit coopératif de ses origines à 1950, éd. Matot-Braine, 1950
- De Ribalsky (N.), La modernisation des entreprises coopératives : premier bilan d’application de la loi du 13 juillet 1992, thèse Université d’Aix Marseille, 1996
- Gagnon (A. -G.) et Girard J. –P. (sous la direction de), Le mouvement coopératif au cœur du XXIe siècle, éd. Presses universitaires du Québec 2001
- Gourlay (P. –G.), Coopérative agricole, éd. Dalloz, 1986
- Hannoun (C.), Le droit et les groupes de sociétés, LGDJ, coll. Bib. Dr. privé, t. 216, 1991
- Néri (J.), Les Unions d’économie sociale – guide juridique et pratique, éd. Adcopes-clip, 3ème éd., 1999
- Pariente (M.), Les groupes de sociétés, Litec, 1993
III – Œuvres collectives
- Barthélémy (J.), Coulon (N.), Egal (J.), Guigou (H.), Hardouin (M.), De Mello (X.), Petiteau (G.) Seurat (P.), Le droit des groupes de sociétés, éd. Dalloz, coll. Réussir en affaire, 1991
- Chiron (M.), Dupuis (G.), Fourquet (P.), Gramet (J. –P.), Merlet (J. – F.), Roussilhe (M.), Coopératives agricoles, Guide pratique de l’information financière (Comptes sociaux, comptes consolidés, comptes combinés), éd. Expert comptable média, 2004
- Commission de la coopération agricole, CNCC, OEC, UNRA, Les fusions de coopératives agricoles, étude technique n° 14, éd. CNCC, 1996
- Commission de la coopération agricole, CNCC, OEC, UNRA, La consolidation dans les coopératives agricoles : ses spécificités, étude technique n° 20, éd. CNCC, 2000
- Côté (D.), Chaves (R.), Koulytchizki (S.), Manoa (J. –Y.), Spear (R.), Les holdings coopératifs, évolution ou transformation définitive ?, éd. De Boeck Université, 2001
IV – Articles de doctrine et chroniques
- Champaud (C.), « Les méthodes de groupement des sociétés », RTD. com. 1967, p. 1003
- Coquelet (M. – L.), « La loi du 24 juillet 1966 comme modèle du droit commun des groupements », in Mélanges Michel Jeantin - Prospectives du droit économique, dialogues avec Michel Jeantin, éd. Dalloz 1999, p. 194
- Forestier (M.) et Mauget (R.), « De la coopérative au groupe coopératif agro-alimentaire ; 1ère partie : De la valeur pour l’usager à la valeur pour l’actionnaire ? », RECMA n° 278, 2000, p. 16
- Forestier (M.) et Mauget (R.), « De la coopérative au groupe coopératif agro-alimentaire, 2ème partie : Quelle gouvernance ? », RECMA n° 279, 2001, p. 60
- Hirsch (P.), « La restructuration des coopératives agricoles », Actes pratiques et ingénierie sociétaire Mars/Avril 2005, p. 20
- Jeantin (M.), « Un nouveau champ d'application du droit des fusions : la loi du 13 juillet 1992 relative à la modernisation des entreprises coopératives », Bull. Joly 1993, § 80, p. 295
- Leroy (C.), « Les fusions de caisses régionales de crédit agricole », Banque & Droit n° 18, juillet-août 1991, p. 142
- Martin (G. –J.), « La notion de fusion », RTD. com. 1978, p. 12
- Martine (E. N.), « Sociétés coopératives et groupements agricoles », RD. rur. n° 306, 2002, p. 484
- Mauget (R.), « Analyses stratégiques des groupes coopératifs agro-alimentaires en Europe », RECMA n° 256, 1995, p. 55
- Mestre (J.), « Réflexions introductives sur l'originalité du droit coopératif », RRJ 1996/2, p. 475
- Nicolas (P.), « La formation des groupes coopératifs agro-alimentaire et la situation des agriculteurs sociétaires », RECMA n° 34, 1990, p. 21
- Paillusseau (J.), « Faut-il en France un droit des groupes de sociétés ? », JCP 1971, I, p. 2401
- Paillusseau (J.), « La notion de groupes de sociétés et d’entreprise en droit des activités économique », D. 2003, chron. p. 2346
- Pariente (M.), « Les groupes de sociétés et la loi de 1966 », Rev. sociétés 1996, p. 465
- Piot (B.), « De l’union de sociétés à l’Union d’Economie Sociale », RECMA 4ème trimestre 1984 n° 12, p. 135